Langue oligosynthétique
Une langue oligosynthétique est une langue construite au moyen d'un nombre réduit de clés ou morphèmes. Ces clés sont généralement monosyllabiques, parfois réduites à des lettres, et on les combine entre elles pour former tous les mots de la langue. Le terme oligosynthétique a été proposé pour la première fois par Benjamin Lee Whorf et il ne correspond à aucune langue naturelle. Une langue oligosynthétique est un cas particulier de langue agglutinante dans lequel l'agglutination a été poussée à son extrême. En effet, dans les langues agglutinantes, même si on a recours à des affixes qui fonctionnent comme des clés, tous les mots de ces langues ne sont pas constitués en eux-mêmes d'affixes. On trouve en effet dans ces langues des radicaux plurisyllabiques qu'il faut prendre tel quel car ils ne sont pas divisibles en morphèmes plus petits. Le principe d'oligosynthèse exige des créateur de langues qu'ils choisissent un nombre défini de clés qui leur permettront de construire tout le vocabulaire, c'est pourquoi toutes les langues de ce groupe sont de type A priori.
Cette préoccupation de construire des mots à partir d'un nombre limité d'unités signifiantes n'est pas sans rappeler les langues philosophiques à priori du XVIIe siècle dont les constructions taxonomiques visait à construire un lexique basé sur la logique.
Comparer le mot école:
- Dans une langue agglutinante comme le turc : okul, mot insécable en unités de sens plus petites.
- Dans une langue construite oligosynthétique comme le Kah : kwando construit à partir de kwan- (apprendre) et -do (bâtiment)
Des difficultés
La promesse des langues oligosynthétiques de construire de façon logique le sens des mots en combinant un nombre limité de morphèmes simples (clés) doit affronter un certain nombre de difficultés. Un nombre important de mots doivent être appris tels quels car en déduire le sens depuis leurs composés est difficile, en particulier quand les clés sont peu nombreuses.
Observons par exemple en langue aUI un mot très usuel : "chaussure" traduit par Ykbô-Yg qui est la combinaison de Ykbô (pied) et Yg (extérieur). Cependant, il ne s'agit pas là de clés primaires. Le mot pied est en lui-même composé de Yk-bô (inférieur-main). Le mot inférieur provient à son tour de la combinaison Y-k (négation-supérieur). Le mot main est le composé de b-ô (ensemble-cinq). Enfin, le mot extérieur est composé de Y-g (négation-intérieur). Si on devait donc décomposer le mot chaussure d'après ses six clés nous aurions finalement Y-k-b-ô-Y-g (négation-supérieur-ensemble-cinq-négation-intérieur) ! La langue aUI est limitée dans le nombre de clés qu'elle peut se permettre pour des raisons phonologiques. Chacune de ses clés correspond à un phonème et ceux-ci doivent être facile à prononcer.
Enfin, l'obligation d'utiliser un nombre limitée de clés génère de fortes ressemblance dans les mots créés. Comparons la série en langue aUI: chaussette : g-Ykbô-Yg (intérieur-chaussure) et botte :k-Ykbô-Yg (supérieur-chaussure) qui ne se différentient de chaussure que par leur consonne initiale.
Augmenter le nombre des clés est toujours possible, mais il faut alors employer des clés constituées de plusieurs phonèmes et suffisamment différentes les unes des autres pour ne pas les confondre, ce qui rallonge la longueur des mots quand il faut utiliser plusieurs clés pour les composer.
Elko
L'elko est un exemple de langue oligosynthétique. Cette idéolangue utilise un nombre limité de clés : 862 sont actuellement validées sur une capacité de 1012. En s'assemblant, elle forment l'intégralité du vocabulaire de l'elko. Toujours en suivant la théorie de Benjamin Lee Whorf, l'elko vérifie l'hypothèse Sapir-Whorf en proposant à ses locuteurs de créer le vocabulaire selon leur propre vision du monde, en choisissant les clés qu'ils souhaitent associer dans la création de leur vocabulaire.