Lanternois : Différence entre versions

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[[Émile Pons]] a tenté de déchiffrer le '''Lanternois ''' en [[1931]].
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C'est le mot ou groupe de mots ''delmeuplistrincq'' qui nous a fourni la clé : il nous a frappé, en effet, parla curieuse homéophonie qu'il présente avec la phrase en baragouin anglo-français : « donne-moi please to drink » . — Le sens est « central », il s'accorde parfaitement avec tout le contexte qui n'est que la requête d'un affamé et d'un assoiffé.
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Rabelais puisant ainsi dans tous les idiomes, avec ou sans l'aide de ses « maîtres de langues» qui l'ont documenté pour son Chap. IX, composera souvent des mots hybrides, des « hippocampéléphantocamélos » linguistiques.
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''Drupp'' est de semblable tournure et de pareille origine : déformation de l'anglais « drop », soit avec le sens de « goutte à boire », si l'on adopte, dans la même phrase, la lecture « bouille » (interprété dans le sens de « baille ») soit avec le sens de pendre, si, au lieu de bouille, on a adopté pour ce mot la leçon avec un C (''miserabiliter pendent testes'' !).
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''Monach'' est évidemment le mot « moine » entendu au sens large de « clerc » pour s'appliquer à Panurge et ''Kalmuch'' n'est que le mot « kalmouk » à peine déguisé et entendu au sens de « nomade, vagabond, pauvre hère ».
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Cette première phrase, au centre du discours en lanternois, nous livre donc le sens fondamental du passage qui n'est qu'une ''demande à boire'', un « hymne au piot », une requête potatoire.
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Considérons la phrase qui suit et qui termine : ''drlnd dodelb'', etc. Le 1er mot ''drlnd'' demande à être rapproché du ''drnds'' de la 1ere phrase du discours et de l'invocation ''drnds'' ''pagbrledand'', etc. Le mot ''brledand'' a été expliqué excellemment par M. Clouzot, « groupe [non de 3 cartes semblables ici, mais] de trois terres, dont les noms suivent et qui appartenaient à Antoine Rabelais, du chef de sa femme. Le mot ''pag'' qui précède ''breland'' a donc de toute évidence le sens de terres (« pagus ») et ''drnds'' qui précède ''pag'' s'explique de lui-même à son tour : maître, seigneur (du br. de terres G. Ch. Pom.) A remarquer que 3 de ses lettres correspondent à 3 des 4 consonnes du lat. («dominus»). (L'introduction de I'''r'' comme aussi celle de 1'''l'' constitue un procédé favori de Rabelais pour le déguisement des mots.) A remarquer aussi que ce commencement ressemble à celui des autres discours de Panurge, qui aime à saluer Pantagruel d'un titre avantageux, ''Iuncker'', ''Signor mio'', ''Lord'', ''Seignor'', ''Myn Herre'', ''Adoni'', ''Despota'', etc.
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Donc, dans la phrase terminale ''drlnd'' très voisine de ''drnds'' doit comporter un sens voisin : Seigneur, Maître, mais S. et M. de toutes choses, «Dieu».
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Dodelb up drent'', groupe à nouveau assez homogène par le procédé métathétique de transposition des consonnes, et assez transparent : drent = te rende.
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''dodelb up'' (confusion avec « doubled up ») = au double.
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''loch mine'', sous son déguisement monosyllabique et son consonantisme renforcé, complète très rituellement la formule «in locum meum».
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''Strzinqiald'' n'est que le mot germ. «trinkgeld » à peine déguisé par sa double sifflante initiale, et pris dans le sens de « compensation sous forme de boisson», « boisson compensatrice de vins des cordeliers ».
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Les 3 derniers mots ''hur jocst stzampenards'' ont une allure très rabelaisienne, bien que le 2e joc (affublé comme d'un déguisement insuffisant? d'un groupe sifflant terminal) ne soit que le vieux mot français et provençal, cher aux troubadours joc, jucc, juoc, pris dans le sens de «jeu d'amour, déduit » (cf. «joc coni » dans Marc Abrun, éd. Bartsch, 6eéd., p. 58, — signalé par M. Pierre Fouché) — ''Stzampenards'', affublé à l'initiale du même déguisement, n'est que le vocable très rabelaisien (vi)stampenard, au sens habituel — et érotique — de ce mot (mentula). Et ''hur'' n'est que le « für» allemand qu'on retrouve dans le langage des Antipodes.
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Cette fin du discours constitue une péroraison fort naturelle : Panurge promet à Pantagruel, comme récompense à sa charité, s'il écoute sa requête et lui donne à boire, de joyeuses beuveries dans l'éternité et de glorieux déduits.
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Reste le début : ''Prug frest, strinst sorgdmand strochdt'' qui est, par sa consonance germanique, d'une belle homogénéité. ''Prug'' qui se retrouve de l'antipodien n'est que l'all.
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''bruch''(e) (= «brauche») dans une forme devenue dialectale, mais très courante encore au XVIe s. = j'ai besoin.
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«''frest''» métathétique pour l'angl. « fîrst » d'abord. ''strinst'' (et non ''frinst'') est l'all. «''strengest''» à peine déguisé pris au sens de instamment : '< j'ai tout d'abord le besoin pressant que... >;
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''Storchdt'' complète la phrase : forme métathétisée — ou anagrammatique de all. « horcht » écoutez, avec un luxe de consonnes encore accru et construit subjonctive ment : j'ai besoin. . . que vous écoutiez.
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''Sorgdmand'', mot hybride fort amusant composé du franc. d(e)mand (e) curieusement accouplé à l'all, sorg(e) = souci, inquiétude, détresse,... que vous écoutiez la requête de ma détresse.
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Restent encore au milieu du discours : ''rusth pkalldracg Devinière près Nays''. Le nom delà Devinière près [Si]nays a une importance sur laquelle M. Glouzot a attiré l'attention : c'est celui de la terre où une tradition recueillie par Gaiguières en 1694, fait naître Rabelais.
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«Terre» annoncée parle mot ''rusth'' («rus[tica]») et qualifiée par l'épithète ''pkaldracg'', où nous isolons à nouveau le radical ''dr'' — (de drndsl, drnld) signifiant « seigneur » « seigneurie » et où la 1ere syllabe ''pkall'', rapprochée soit du grec ''χαλέω'', soit de l'angl. ''call'' exprime certainement l'idée « d'appellation, dénomination, titre. » La terre de la Devinière est celle dont Panurge attribue au beau seigneur Pantagruel la possession à titre nobiliaire : c'est d'elle que Panurge tire son nom comme sans doute Rabelais eût aimé à tirer le sien de cette terre, plus flatteuse pour son amour-propre comme lieu de naissance que l'auberge paternelle de Chinon.
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==Alphabet & prononciation==
 
==Alphabet & prononciation==
 
==Morphologie==
 
==Morphologie==

Version du 15 janvier 2019 à 20:50

  Lanternois
Lanternois
 
Année de création 1532
Auteur François Rabelais
Régulé par
Nombre de locuteurs
Parlé en
Idéomonde associé
Catégorie Langue artistique
Typologie
Alphabet Latin
Lexique
Version
Codes de langue
ISO 639-1
ISO 639-2
ISO 639-3
Préfixe Idéopédia IDEO_LTR

Le Lanternois est une idéolangue créée en 1532 par François Rabelais.

Historique

Historique

Émile Pons a tenté de déchiffrer le Lanternois en 1931. Voici son analyse :

C'est le mot ou groupe de mots delmeuplistrincq qui nous a fourni la clé : il nous a frappé, en effet, parla curieuse homéophonie qu'il présente avec la phrase en baragouin anglo-français : « donne-moi please to drink » . — Le sens est « central », il s'accorde parfaitement avec tout le contexte qui n'est que la requête d'un affamé et d'un assoiffé.

Rabelais puisant ainsi dans tous les idiomes, avec ou sans l'aide de ses « maîtres de langues» qui l'ont documenté pour son Chap. IX, composera souvent des mots hybrides, des « hippocampéléphantocamélos » linguistiques.

Drupp est de semblable tournure et de pareille origine : déformation de l'anglais « drop », soit avec le sens de « goutte à boire », si l'on adopte, dans la même phrase, la lecture « bouille » (interprété dans le sens de « baille ») soit avec le sens de pendre, si, au lieu de bouille, on a adopté pour ce mot la leçon avec un C (miserabiliter pendent testes !).

Monach est évidemment le mot « moine » entendu au sens large de « clerc » pour s'appliquer à Panurge et Kalmuch n'est que le mot « kalmouk » à peine déguisé et entendu au sens de « nomade, vagabond, pauvre hère ».

Cette première phrase, au centre du discours en lanternois, nous livre donc le sens fondamental du passage qui n'est qu'une demande à boire, un « hymne au piot », une requête potatoire.

Considérons la phrase qui suit et qui termine : drlnd dodelb, etc. Le 1er mot drlnd demande à être rapproché du drnds de la 1ere phrase du discours et de l'invocation drnds pagbrledand, etc. Le mot brledand a été expliqué excellemment par M. Clouzot, « groupe [non de 3 cartes semblables ici, mais] de trois terres, dont les noms suivent et qui appartenaient à Antoine Rabelais, du chef de sa femme. Le mot pag qui précède breland a donc de toute évidence le sens de terres (« pagus ») et drnds qui précède pag s'explique de lui-même à son tour : maître, seigneur (du br. de terres G. Ch. Pom.) A remarquer que 3 de ses lettres correspondent à 3 des 4 consonnes du lat. («dominus»). (L'introduction de Ir comme aussi celle de 1l constitue un procédé favori de Rabelais pour le déguisement des mots.) A remarquer aussi que ce commencement ressemble à celui des autres discours de Panurge, qui aime à saluer Pantagruel d'un titre avantageux, Iuncker, Signor mio, Lord, Seignor, Myn Herre, Adoni, Despota, etc.

Donc, dans la phrase terminale drlnd très voisine de drnds doit comporter un sens voisin : Seigneur, Maître, mais S. et M. de toutes choses, «Dieu». Dodelb up drent, groupe à nouveau assez homogène par le procédé métathétique de transposition des consonnes, et assez transparent : drent = te rende. dodelb up (confusion avec « doubled up ») = au double.

loch mine, sous son déguisement monosyllabique et son consonantisme renforcé, complète très rituellement la formule «in locum meum».

Strzinqiald n'est que le mot germ. «trinkgeld » à peine déguisé par sa double sifflante initiale, et pris dans le sens de « compensation sous forme de boisson», « boisson compensatrice de vins des cordeliers ».

Les 3 derniers mots hur jocst stzampenards ont une allure très rabelaisienne, bien que le 2e joc (affublé comme d'un déguisement insuffisant? d'un groupe sifflant terminal) ne soit que le vieux mot français et provençal, cher aux troubadours joc, jucc, juoc, pris dans le sens de «jeu d'amour, déduit » (cf. «joc coni » dans Marc Abrun, éd. Bartsch, 6eéd., p. 58, — signalé par M. Pierre Fouché) — Stzampenards, affublé à l'initiale du même déguisement, n'est que le vocable très rabelaisien (vi)stampenard, au sens habituel — et érotique — de ce mot (mentula). Et hur n'est que le « für» allemand qu'on retrouve dans le langage des Antipodes.

Cette fin du discours constitue une péroraison fort naturelle : Panurge promet à Pantagruel, comme récompense à sa charité, s'il écoute sa requête et lui donne à boire, de joyeuses beuveries dans l'éternité et de glorieux déduits.

Reste le début : Prug frest, strinst sorgdmand strochdt qui est, par sa consonance germanique, d'une belle homogénéité. Prug qui se retrouve de l'antipodien n'est que l'all.

bruch(e) (= «brauche») dans une forme devenue dialectale, mais très courante encore au XVIe s. = j'ai besoin.

«frest» métathétique pour l'angl. « fîrst » d'abord. strinst (et non frinst) est l'all. «strengest» à peine déguisé pris au sens de instamment : '< j'ai tout d'abord le besoin pressant que... >;

Storchdt complète la phrase : forme métathétisée — ou anagrammatique de all. « horcht » écoutez, avec un luxe de consonnes encore accru et construit subjonctive ment : j'ai besoin. . . que vous écoutiez.

Sorgdmand, mot hybride fort amusant composé du franc. d(e)mand (e) curieusement accouplé à l'all, sorg(e) = souci, inquiétude, détresse,... que vous écoutiez la requête de ma détresse.

Restent encore au milieu du discours : rusth pkalldracg Devinière près Nays. Le nom delà Devinière près [Si]nays a une importance sur laquelle M. Glouzot a attiré l'attention : c'est celui de la terre où une tradition recueillie par Gaiguières en 1694, fait naître Rabelais. «Terre» annoncée parle mot rusth («rus[tica]») et qualifiée par l'épithète pkaldracg, où nous isolons à nouveau le radical dr — (de drndsl, drnld) signifiant « seigneur » « seigneurie » et où la 1ere syllabe pkall, rapprochée soit du grec χαλέω, soit de l'angl. call exprime certainement l'idée « d'appellation, dénomination, titre. » La terre de la Devinière est celle dont Panurge attribue au beau seigneur Pantagruel la possession à titre nobiliaire : c'est d'elle que Panurge tire son nom comme sans doute Rabelais eût aimé à tirer le sien de cette terre, plus flatteuse pour son amour-propre comme lieu de naissance que l'auberge paternelle de Chinon.

Alphabet & prononciation

Morphologie

Grammaire

Syntaxe

Lexicologie

Chiffres et nombres

Échantillon

Exemple de texte

Prug frest strinst sorgdmand strocht drndspag brledand Gravot Chavigny Pomardière rusth pkallhdracg. Devinière près Nays Bouille Kalmuch monach drupp delmeuplistrincq drlnd dodelb up drent loch minc stzrinqiald de vin ders cordelis hur jocst stzampenards.


Traduction proposée par Émile Pons.

J'ai, tout d'abord le besoin le plus pressant que, vous écoutiez la requête de ma détresse, ô noble possesseur du brelan de terres Gravot Chavigny Pomardière [ainsi que] de la terre seigneuriale de Devinière près Nays. Baille à boire au pauvre clerc vagabond, donne-moi please-to-drink, le Seigneur te le rendra au double en vins des cordeliers comme paiement, afin que vous vous réjouissez en le déduit.

Liens

Sources

  • Dictionnaire des langues imaginaires, P.Albani et B. Buonarroti, Les belles lettres, 2001 ISBN 2-251-44170-0

Notes

<references/>